09/05/2023
Grand angle Patrimoine Fondation Deutsch de la Meurthe

100e anniversaire de la pose de la première pierre de la Fondation Émile et Louise Deutsch de la Meurthe

Cérémonie de pose de la première pierre de la Fondation Deutsch de la Meurthe, le 9 mai 1923. Dans la fosse maçonnée, on peut reconnaitre l'architecte Lucien Bechmann. Émile Deutsch de la Meurthe, mécène de la fondation, est appuyé sur une canne. © CiuP/1923/DR
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Cérémonie de pose de la première pierre de la Fondation Deutsch de la Meurthe, le 9 mai 1923. Dans la fosse maçonnée, on peut reconnaitre l'architecte Lucien Bechmann. Émile Deutsch de la Meurthe, mécène de la fondation, est appuyé sur une canne. © CiuP/1923/DR
Vue sur une pierre portant l'inscription gravée : "Première pierre de la Cité Universitaire, 9 mai 1923" © CiuP/DR
Vue aérienne sur la Fondation Deutsch de la Meurthe et les baraquements de la zone. À l’arrière-plan, les Maisons des étudiants canadiens et de l'Argentine © IGN/photo Compagnie aérienne française/ca 1930-31
Vue sur les pavillons Curie et Appell © CiuP/Photo Fiorillo/DR

Il y a un siècle, le 9 mai 1923, était posée la première pierre de la Fondation Deutsch de la Meurthe qui est aussi la première pierre de la Cité internationale. Découvrez l’histoire de ce bâtiment emblématique et les idéaux portés par Emile et Louise Deutsch de la Meurthe.

La naissance d’une utopie

Au lendemain de la première guerre mondiale, dans le sillage de la Société des nations, l’idée d’une Cité universitaire fraternelle où cohabiterait l’élite étudiante des quatre coins du monde prend forme dans l’esprit d’André Honnorat. En 1920, alors ministre de l’Instruction publique, André Honnorat nomme Paul Appell recteur de l’université de Paris. Grand mathématicien, président de l’Académie des sciences, il a été pendant la guerre président du Secours national où il s’est efforcé de mobiliser les générosités.

Les deux hommes, préoccupés par la crise du logement et les conditions de vie matérielle des étudiants après la Première Guerre mondiale, songent à créer une Cité destinée à accueillir des étudiants méritants. Loin des usines de l’Est parisien et de la pollution industrielle, les fondateurs choisissent soigneusement un terrain qui pourra accueillir leur idéal de cité universitaire. Le projet s’inscrit dans le projet d’extension et d’embellissement de la Ville de Paris de 1919 et profite du déclassement des fortifications.

La future Cité universitaire est prévue sur le territoire des bastions dérasés et sur la zone non aedificandi, face au parc Montsouris, au sud de Paris. La Ville de Paris, propriétaire des terrains des fortifications déclassées, cède à l’État une bande de terrain de 9 ha le long du boulevard Jourdan pour la création d’une cité universitaire, à l’emplacement des bastions 81, 82 et 83. La loi impose également à la Ville de Paris de réserver à l’Université de Paris 19 ha sur les terrains zoniers attenants. Ce sont ainsi 28 ha qui constituent le domaine initial de la Cité universitaire, en rive sud du XIVe arrondissement et limitrophe des communes de Gentilly et Montrouge.

Émile Deutsch de la Meurthe : le premier mécène

André Honnorat et Paul Appell trouvent en la personne d’Émile Deutsch de la Meurthe le mécène qui mettra en œuvre leur idéal. Ce dernier, président de la compagnie Jupiter (la future Shell Française), propose de construire deux « hameaux-jardins » à destination de 350 étudiants de condition modeste. André Honnorat se saisit de cette opportunité pour mettre sur pied un plus vaste projet de 3 000 logements étudiants.

Émile Deutsch de la Meurthe assortit sa donation d’une clause restrictive : que la convention soit signée dans un délai d’une année, faute de quoi il retirerait ses fonds. Une véritable course d’obstacles administratifs est alors engagée pour faire aboutir le projet avant l’échéance fixée. Le 28 juin 1921, 24 heures avant l’expiration de l’ultimatum, le Journal Officiel publie la loi autorisant la création de la Cité internationale.

Plus qu’un simple financeur, Émile Deutsch de la Meurthe s’intéresse au projet architectural. Répondant aux soucis hygiénistes de l’époque, il s’implique et donne des directives précises à l’architecte Lucien Bechmann. La fondation qui portera son nom et celui de son épouse Louise disparue en 1914, doit favoriser le travail mais également développer des valeurs citoyennes, d’initiative et de coopération. Stephane Goldet, donatrice et descendante d’Émile Deutsch de la Meurthe

« Notre aïeul Émile Deutsch a eu quatre filles de chair… et un fils de pierre : le bâtiment qu’il fit construire à l’origine de la Cité internationale. Émile Deutsch partageait, avec Paul Appell et André Honnorat, cette conviction profonde que l’éducation sans frontières, l’ouverture, et les échanges entre jeunes de pays différents étaient l’un des plus sûrs moyens d’éviter une nouvelle boucherie. Alors, si la Cité universitaire de Paris apparaît, à ce moment-là, comme l’expression d’une volonté collective, le mérite initial de sa Fondation dans la pierre revient, sans aucun doute, à la détermination (et aux moyens) d’Emile Deutsch de la Meurthe. La cause était juste et belle, et l’est toujours. C’est pourquoi nous avons décidé, avec plusieurs membres de ma famille, de faire vivre sa mémoire et soutenir chacun à notre portée la rénovation du pavillon Pasteur. »

Stephane Goldet, donatrice et descendante d’Émile Deutsch de la Meurthe, premier mécène de la Cité internationale

Une architecture inspirée des collèges anglais d’outre-manche

La Fondation Deutsch de la Meurthe se compose de sept bâtiments dont l’un, réservé à la vie commune, est surmonté d’un beffroi monumental. A l’origine cinq pavillons sont destinés aux garçons et un aux filles. Ils portent des noms de scientifiques et d’universitaires (Pasteur, Appell, Liard, Gréard, Curie et Poincaré). Inspirée de l’architecture des cités-jardins et des grands collèges anglais de Londres et d’Oxford que l’architecte Lucien Bechmann visite lors d’un voyage en Angleterre en 1921, la Fondation s’organise selon un plan symétrique, autour d’un jardin rectangulaire. La construction mêle les influences anglaises à une inspiration médiévale, avec les tourelles d’angles et les meurtrières. Le pavillon central est dédié aux services administratifs et aux espaces communs, dont la salle des fêtes et celle de musique, ornée d’un décor académique sur le thème de la danse, peint par Guy-Loë et restauré par des étudiants de l’Institut national du patrimoine.

Pavillon central, façade extérieure © CIUP/photo Antoine Meyssonnier/2021
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Pavillon central, façade extérieure © CIUP/photo Antoine Meyssonnier/2021
Pavillon Pierre et Marie Curie © CIUP/photo Antoine Meyssonnier/2019
Vue sur le pavillon central depuis le jardin intérieur © CIUP/photo Antoine Meyssonnier/2022

Une fondation dédiée à l’accueil des étudiants et chercheurs du monde

100 ans après la pose de sa première pierre, la Fondation Deutsch de la Meurthe est l’un des bâtiments emblématiques de la Cité internationale. Au fil des siècles, d’autres maisons de pays et d’écoles se sont construites et le campus en compte actuellement 43, toutes propriétés des universités de Paris. Fidèle aux vœux de ses fondateurs, la Fondation Deutsch de la Meurthe accueille des étudiants et chercheurs de toutes les nationalités dans ses 347 logements et leur offre un cadre de vie et d’étude propice à la réussite et aux échanges. De nombreux résidents illustres ont séjourné dans cette résidence, notamment les écrivains et philosophes Jean-Paul Sartre et Paul Nizan et les hommes politiques Léopold Sédar Senghor et Habib Bourguiba.

« La Cité universitaire de Paris, quelques simples mots, et tout un monde magique se lève dans ma mémoire. Je ne dirai jamais assez tout ce que je lui dois. Elle m’a appris, à l’âge où l’homme est sans préjugés, à connaître, à aimer les hommes des autres races et continents. Un internationalisme qui n’est pas aliénation de soi : tout au contraire. »

Léopold Sedar Senghor, poète, écrivain, homme politique sénégalais et alumnus de la Fondation Deutsch de la Meurthe de 1931 à 1934. Le jardin intérieur de la fondation porte aujourd’hui son nom.

Des rénovations successives

La Fondation Deutsch de la Meurthe a connu plusieurs réhabilitations pour adapter les lieux aux normes de confort, de sécurité et aux nouveaux usages. A partir de 2005, une réhabilitation des pavillons par tranches successives a été engagée, visant à la restauration des façades et des toitures, à l’amélioration du confort des chambres ainsi qu’au réaménagements de certains espaces voire la création de nouveaux lieux de vie à l’image des cuisines d’étage. Les trois pavillons Pierre et Marie Curie, Pasteur et Gréard ont été les premiers à bénéficier d’une rénovation. Ces réhabilitations ont été financées grâce au soutien de nos partenaires et mécènes parmi lesquels les descendants d’Émile Deutsch de la Meurthe.

Le pavillon Gréard de la Fondation Deutsch de la Meurthe connaît depuis près d’un an une réhabilitation complète du clos et du couvert financée par le Plan de relance de l’État et de l’Union européenne. Les travaux permettront d’améliorer le confort de vie des étudiants, la convivialité et la performance écologique de la résidence tout en rénovant un patrimoine datant de 1925. En septembre 2023, le bâtiment accueillera à nouveau des étudiants de toutes les nationalités dans ses 78 logements rénovés. Des études sont également actuellement menées pour la rénovation du pavillon central.

Pour aller plus loin

Vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire et l’évolution de cette maison ? Retrouvez des archives et photographies d’époque dans l’exposition permanente et la maquette interactive du Centre du patrimoine de la Cité internationale.

Horaires et accès
Hall de la Maison internationale
Ouvert tous les jours
De 11h à 21h
Accès libre et gratuit
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