12/09/2024
Entretiens Travaux Cité 2025 Fondation Deutsch de la Meurthe

Rencontre avec l'architecte de la rénovation du Pavillon Gréard : Paul Ravaux

© Hervé Abbadie
Voir les photos
© Hervé Abbadie
© Hervé Abbadie
© Hervé Abbadie
© Hervé Abbadie
© Hervé Abbadie
© Hervé Abbadie
© Hervé Abbadie

Après deux années de travaux de réhabilitation financés par le Plan de relance et les fonds propres de la Cité internationale, le pavillon Gréard de la Fondation Deutsch de la Meurthe a ouvert ses portes. Le bâtiment de 78 logements et 4 nouvelles cuisines collectives accueille des étudiants et chercheurs internationaux dans des espaces intégralement rénovés.
Rencontre avec Paul Ravaux de RRC architectes, qui a relevé le défi d’allier respect patrimonial et réponse aux standards actuels de confort, sous la maîtrise d’œuvre de la direction du patrimoine de la Cité internationale.

Le projet de réhabilitation

Conçue par l’architecte Lucien Bechmann et inaugurée le 9 juillet 1925, la Fondation Deutsch de la Meurthe constitue le premier ensemble de logements de la Cité internationale universitaire de Paris. Composés de 7 pavillons organisés autour d’un jardin  intérieur, cet ensemble architectural est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis le 18 mai 1998 (façades, toitures, jardins, hall et grand salon du pavillon central). Deux pavillons (Pasteur et Curie) ont déjà été réhabilités, le Pavillon central lui est un projet actuellement en recherche de mécénat

Le Pavillon Gréard est donc le 3e bâtiment à bénéficier d’une réhabilitation complète. Le programme de travaux a eu pour objectif d’optimiser le nombre et le confort des logements, de rationaliser les espaces communs et d’inscrire ce projet dans la démarche de transition énergétique du patrimoine de la Cité internationale grâce à une réhabilitation intégrale du bâtiment. Les travaux ont concerné la restauration complète du clos et du couvert ainsi qu’une remise aux normes complète du bâtiment. Une isolation intérieure a été mise en œuvre, ainsi qu’un dispositif de doubles fenêtres, pour conserver l’aspect patrimonial, tout en réalisant une mise en conformité aux règles acoustiques et thermiques. 

QUESTIONS A… PAUL RAVAUX, ARCHITECTE

Qu’est-ce qui vous a motivé à candidater pour ce projet ? 

La Cité internationale est un formidable laboratoire architectural et humain. Les réalisations dans ce parc paysager sont toutes de grande qualité et certaines sont de véritables manifestes architecturaux. Le Pavillon Gréard et plus généralement le Fondation Deutsch de la Meurthe est intéressant en cela qu’il est la première concrétisation du concept de la Cité internationale. Il est intéressant à ce titre de constater que Lucien Bechmann, qui eut la charge de concevoir le plan d’ensemble de la Cité et qui fut l’architecte des sept pavillons de la fondation, s’inspira du style des campus oxfordien, tout en réfutant cette source d’inspiration.

Ainsi la motivation de participer à cette rénovation est multiple, à la fois de restaurer un bâtiment centenaire d’une indéniable qualité architecturale, avec des matériaux de qualité mais également d’apporter des réponses à des questions techniques et fonctionnelles actuelles dans une enveloppe historique. 

 

Comment travaille-t-on sur un bâtiment en partie classé ? 

Fondamentalement, ce n’est pas le fait qu’il soit classé ou non qui change la manière de travailler. Le classement n’est essentiellement là que pour préserver une œuvre qui mérite d’être protégée. L’intérêt de travailler sur un bâtiment remarquable est d’œuvrer sur une réalisation qui raconte une histoire et, dans le cadre de sa rénovation, de prolonger cette histoire avec, comme dans le cas présent devoir la réinterpréter pour répondre à des problématiques techniques et à une évolution de la société et de ses habitudes de vie, forcement d’il y a un siècle.

Cela demande d’avoir préalablement une bonne connaissance du bâtiment et de sa conception d’origine, de pouvoir interpréter sans trahir et en quelque sorte de se poser la question de savoir si Lucien Bechmann aurait réagi de la même manière à notre place. Le cas du pavillon Gréard a ceci de particulier par rapport à certaines réalisations historiques, c’est qu’au-delà d’adaptations mineures, le bâtiment a relativement peu évolué et la réalité historique est assez proche et assez claire, d’autant plus que les archives ont été bien conservées et nous ont été très utiles. En cela nous avons été aidés par l’équipe REA – Recherche & Etudes Appliquées, spécialisée dans le Patrimoine historique, architectural et foncier.

 

Quelles ont été les difficultés rencontrées, quelles problématiques avez-vous dû solutionner ?

L’adaptation d’un bâtiment un siècle plus tard aux nouvelles conditions d’usage nécessite naturellement un travail de mise au point en tenant compte des éléments constitutifs de la construction d’origine. Il serait possible de dérouler une liste à la Prévert des points qu’il nous a fallu étudier mais on peut ici en développer deux. 

Le premier exemple concerne l’installation des salles d’eau individuelles qui a nécessité un laborieux travail d’ajustement du calage des chambres et des gaines verticales à travers les poutrelles métalliques des planchers qui ne se superposaient pas toujours d’un niveau à l’autre. Ce type d’ajustement implique de nombreux allers et retours relativement complexes, le tout dans une notion d’optimisation des surfaces pour offrir les chambres les plus spacieuses possibles. Il est intéressant de noter que, vu la complexité du bâtiment, tant en niveau courant qu’en élévation, il n’y a aucune chambre identique. 

Le second exemple concerne les fenêtres d’origine, fabriquées en série aux Etats-Unis et ouvrant à l’anglaise. Il est évident que les attentes à l’époque en termes d’isolation phonique et thermique et voire même d’étanchéité à l’eau, n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui, à tel point d’ailleurs que certaines avaient déjà été jetées et remplacées par des fenêtres pvc. Nous avons fait le choix de restituer les anciennes fenêtres dans leur état d’origine et de venir les doubler d’une seconde fenêtre côté intérieur pour assurer les impératifs d’étanchéité et d’isolation thermique et acoustique. Nous avons dû refabriquer les fenêtres qui avaient disparues et avons déposé les autres pour les restaurer en atelier et les relaquer en couleur noire d’origine suite aux recherches stratigraphiques.

 

Comment avez-vous réussi à réaliser une telle isolation thermique sans trop  diminuer les surfaces des chambres ?

La question de l’épaisseur de l’isolation thermique intérieure est une question souvent évoquée et qui pourtant n’a qu’un faible impact sur la surface globale de la chambre. D’abord il faut bien comprendre que l’on ne parle que d’un mur, celui de la façade par rapport aux trois autres murs et sur une chambre qui mesure 4 mètres de long, une épaisseur de 16 cm ne représente qu’un faible pourcentage et finalement non perceptible. Ainsi une bonne isolation thermique n’a pas vraiment de conséquence sur l’habitabilité de la chambre, mais présente une véritable amélioration du confort de celle-ci.

 

Le Pavillon Gréard, œuvre patrimoniale centenaire, a fait preuve de sa capacité d’adaptation aux mutations sociétales du XXIe siècle.

Paul Ravaux, architecte

Quel a été votre parti pris dans la création des cuisines collectives ? 

A l’origine, il n’y avait pas de cuisine ni individuelles, ni collectives dans le Pavillon. Les étudiants allaient dans une salle de restaurant prévue à cet effet dans un autre bâtiment. Au cours de la vie du bâtiment de petites, voire toutes petites cuisines collectives, ont été crées à chaque niveau au gré des espaces disponibles, mais ces lieux n’étaient pas particulièrement agréables, mais plutôt utilitaires.

En accord avec la Cité internationale, nous avons fait le choix de créer à chaque étage une cuisine agréable, conviviale et bien équipée pouvant accueillir de manière confortable plus de la moitié des étudiants du niveau. Afin de rendre la pièce particulièrement attractive, nous avons décidé de sa localisation au centre du bâtiment avec une baie vitrée donnant sur la circulation et en choisissant l’emplacement qualitatif, où se trouvent le bow-window en façade. Cela lui confère un caractère particulier chaleureux qui suggère des résonnances un peu « cosy ». 

 

Des papiers peints d’origine ont été reproduits et installés dans les chambres. D’où vient cette idée ? 

A l’origine Lucien Bechmann avait habillé les murs de papiers peints, les photos d’époque en attestent avec des motifs et des couleurs assez étonnants de style Art Déco mâtiné avec des réminiscence d’Art Nouveau. Nous avons retrouvé un échantillonnage aux Archives de la Ville de Paris. Bien sûr, il n’était pas possible de reposer des papiers peints dans une chambre d’étudiant pour des questions de pérennité. Nous avons donc décidé de nous inspirer des couleurs de ses papiers pour choisir les couleurs des chambres.

Nous avons d’abord procédé à une sélection de 7 papiers peints d’origine, pour ensuite, sur la base de leurs coloris, choisir une gamme de peinture, pour la couleur des fonds de trois murs et du plafond, pour un des murs et pour la frise. La frise a également été reproduite en carrelage dans la salle d’eau. Nous avons ainsi défini 7 gammes de couleurs pour peindre l’un des murs et les frises.

Pour accompagner cette colorimétrie et faire acte de mémoire, nous avons fait imprimer sur une plaque d’aluminium la reproduction des 7 gammes de papiers peints que nous avons posées sur le mur en tête de lit correspondant à la couleur choisie.

 

Y-a-t-il une idée que vous aviez pour le bâtiment et que vous n’avez malheureusement pas pu réaliser ?

Je dirai que globalement non. Les regrets viennent davantage de détails que l’on aurait souhaité améliorer davantage, mais pour cela il faudrait travailler dans le temps long, ce qui n’est pas toujours compatible avec les impératifs de la vie courante. Nous avons par ailleurs cette difficulté lorsque que l’on fait des réalisations un peu atypiques, de devoir faire beaucoup de pédagogie avec les entreprises, qui ne comprennent pas toujours les choix architecturaux. Mais je crois que le temps ne serait jamais assez long et en tant qu’architecte j’ai l’impression que je pourrais éternellement améliorer mon projet. 

Maître d’ouvrage
Cité internationale universitaire de Paris

Maîtrise d’œuvre
RRC architectes ( Paul Ravaux et Sandra Ricardo)
OTE Ingénierie

Chiffrés clés :
78 logements individuels
5 logements supplémentaires à l’issue de la réhabilitation
4 cuisines partagées
1 765 m²

Partager