De longues et fastidieuses négociations

Dès 1924, la Suisse a pris la décision de construire un Pavillon à la Cité internationale. La Fondation suisse a vu le jour grâce au mathématicien Rudolf Fueter, recteur de l’Université de Zürich. Ce dernier a constitué un consortium représentant l’université helvétique pour réaliser un lieu d’hébergement à la Cité internationale. La résidence devait accueillir une quarantaine d’étudiants suisses méritants. Des fonds privés et une subvention fédérale ont permis de financer sa construction.

Rudolf Fueter a sollicité l’architecte visionnaire Charles-Edouard Jeanneret, plus communément connu sous le nom de Le Corbusier. L’architecte a hésité, encore sous le coup de son échec au concours de 1927 pour le Palais de la Société des Nations, mais il a fini par accepter en collaboration avec son cousin Pierre Jeanneret. « Il fallait qu’à Paris, la Suisse apparût autrement que sous les visages agrestes du poète : un chalet et des vaches ».

Après de longues et fastidieuses négociations, la première pierre est finalement posée le 14 novembre 1931. Le bâtiment a été inauguré en juillet 1933.

La maison a le statut de fondation reconnue d’utilité publique, dont le conseil d’administration est présidé par l’ambassadeur de Suisse en France.

Une « machine à habiter » avant-gardiste

Quatre projets pour le Pavillon suisse se suivent entre décembre 1930 et juillet 1931. Deux ans de travaux ont été nécessaires pour le construire. Elle doit sa renommée à ses auteurs, Le Corbusier et Pierre Jeanneret, qui ont redonné à l’architecture un rôle social de premier plan, porté par de nouvelles valeurs fonctionnalistes. Elle est le prototype des Cités radieuses qui seront construites après-guerre à Marseille, Nantes, Briey, Firminy et Berlin. On y voit mis en œuvre les « cinq points d’une architecture nouvelle » préconisés par Le Corbusier en 1927 : pilotis pour dégager le rez-de-chaussée, toit-terrasse lié à l’habitation, plan libre au rez-de-chaussée, fenêtres en longueur et façade libre en mur-rideau. C’est le premier édifice moderne construit à la Cité internationale, véritable « machine à habiter » selon Le Corbusier. Reconnu comme « l’une des créations les plus libres et les plus imaginatives de Le Corbusier » (Siegfried Giedion), l’édifice est ainsi un point de départ pour l’évolution ultérieure de Le Corbusier plasticien et pour le « new brutalism » des années 1950.

Un laboratoire de l’habitat collectif

L’aménagement intérieur de la Fondation suisse a fait l’objet d’une attention particulière. Les espaces communs regroupés au rez-de-chaussée ont été agencés selon une conception originale qui a favorisé la fluidité spatiale et l’unité plastique. La conception des chambres est due à Charlotte Perriand ainsi que certaines pièces de mobilier comme les fauteuils grand confort, les fauteuils à dossier basculant, en collaboration avec Le Corbusier et Pierre Jeanneret, ainsi que la table en marbre du salon.

Ses créateurs ont fait du Pavillon suisse un laboratoire privilégié pour la mise en œuvre de leur vision sur l’habitat collectif et de leurs théories de constructeurs contemporains : puissance de la structure inférieure de béton armé, préfabrication industrielle des étages, recherches poussées sur l’isolation phonique et aménagement étudié des chambres.

Des réhabilitations successives

Le Pavillon suisse a fait l’objet depuis 1945 de plusieurs interventions de Le Corbusier : la peinture murale du salon en 1948, la réfection de l’élévation au sud en 1953 et une série de banquettes avec décor émail ainsi qu’une nouvelle polychromie des chambres en 1957.

Détérioré par une forte exposition au soleil, le bâtiment a été partiellement rénové en 1957 et 1958 par l’architecte Moreillon, sous le contrôle de Le Corbusier. Les dernières interventions sur le gros œuvre (1991-1993), sous la direction d’Hervé Baptiste, architecte en chef des Monuments historiques, et de Jacques Chopinet, architecte-conseil de la Fondation suisse, ont conduit à refaire l’étanchéité des terrasses et à remplacer la totalité du parement de pierre reconstituée. Le mobilier d’origine, dessiné par Charlotte Perriand, est maintenu dans une chambre-témoin, ouverte aux visiteurs.

En juillet 2000, la restauration de la peinture murale de Le Corbusier dans le salon est confiée à Madeleine Hanaire avec le concours du Conseil de la Maison suisse et de la Conservation régionale des Monuments historiques. Une réfection à l’identique de la paroi en pavés de verre Nevada a été réalisée en 2007. Enfin, la réfection de l’étanchéité du toit en 2016 ainsi que le projet d ‘aménagement consistant à l’équipement de salles d’eau privatives dans les chambres et à l’agrandissement des cuisines collectives, sous la direction de M. Alexandre Kabok, architecte-conseil de la Fondation suisse, a été réalisé en 2018. La Fondation suisse dispose aujourd’hui de 46 logements.

Le Pavillon suisse est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques le 8 septembre 1965 puis classé monument historique le 16 décembre 1986.